A l'occasion des 70 ans de la CPEV, la présidente et le vice-président du Conseil d'administration, Michèle Mottu Stella et Yves Froidevaux, nous parlent de l'évolution de la CPEV et de ses défis.
Qu’apporte la CPEV à sa région ?
Michèle Mottu Stella (MMS) :
Un chiffre me semble bien illustrer l’importance de la Caisse pour sa région : près de 9% des personnes retraitées vaudoises sont à la CPEV, à quoi s’ajoute encore 1% domiciliés ailleurs en Suisse, principalement en Romandie. Au total, la CPEV a versé CHF 690 millions de rentes en 2021. En plus de ces rentes, la Caisse propose aux Vaudoises et Vaudois plus de 8'200 appartements à loyers raisonnables, finance des d’infrastructures d’utilités publiques, comme le Vortex, et développe des logements adaptés aux seniors.
Yves Froidevaux (YF) :
Je vois deux principaux apports de la CPEV. Elle est en effet un acteur économique important, tant au niveau de son rôle de pourvoyeuse de rentes que celui d’investisseuse dans des infrastructures ou dans des nouveaux logements. Par ailleurs, la Caisse, grâce à la qualité de ses prestations, participe aussi à l’attractivité de l’Etat de Vaud en tant qu’employeur.
Quels sont les principaux défis que la Caisse a eu à relever ces dernières années ?
MMS :
Ils ont clairement été financiers. L’espérance de vie à la retraite a fortement progressé et le poids des retraites a pris plus d’importance, ce qui pèse financièrement sur la CPEV. L’obligation fédérale depuis 2013 d’atteindre un taux de capitalisation élevé est aussi évidemment un défi pour la Caisse. Un travail de fond a aussi été effectué ces 20 dernières années afin d’intégrer les critères ESG et de faire de la CPEV un investisseur plus responsable. Nous avons été parmi les premiers membres d’Ethos et les premières caisses publiques à fixer des objectifs de neutralité carbone clairs à court et long termes.
YF :
Et puis il y a ce nouveau monde, avec des taux très bas, dans lequel nous nous sommes retrouvés pendant plusieurs années et qui a pesé sur le rendement de la CPEV. Ce contexte a poussé plusieurs caisses publiques à baisser leurs prestations. De notre côté, nous avons dans un premier temps plutôt cherché de nouvelles opportunités de placements, de rendements pour essayer de préserver les prestations. Nous avons revu notre allocation d’actifs et y avons intégré de nouvelles classes. Je pense notamment aux infrastructures (Vortex, Biopôle, etc.). Des questions de gouvernance ont aussi été au centre des préoccupations, notamment afin de répondre à la demande de plus de transparence à l’égard des bénéficiaires. La volonté a été de mettre sur pied une politique de communication plus ouverte et proactive, de rendre la Caisse plus accessible, plus proche des gens.
Quels sont les principaux défis à venir pour la CPEV ?
MMS :
Gérer une caisse de pensions, c’est s’inscrire dans du long terme. Les défis principaux restent donc les mêmes, à savoir s’adapter au contexte et enjeux qui évoluent pour garantir le versement des rentes. Nous sommes vraisemblablement en train d’embrayer un nouvel environnement économique. Les cycles économiques obligent les caisses à développer des réponses différentes, nouvelles pour toujours viser l’objectif principal : offrir les meilleures prestations possibles. Une thématique et un défi important sera aussi de contribuer à améliorer l’équité entre les genres. Les biais sociétaux en matière de genre se reflètent en effet dans la prévoyance. Il y a des solutions du côté des caisses de pensions pour tenter de pallier un peu cette problématique.
YF :
Il va falloir en effet adapter les réflexions à ce nouvel environnement. Avec l’inflation, l’indexation des rentes et des salaires revient au centre des préoccupations. Il s’agit d’un défi supplémentaire pour la Caisse. En tant que propriétaire immobilier, il y a la question de la transition énergétique à accélérer. Ce défi, déjà existant et pris en compte, est accentué par la crise énergétique actuelle. Investir dans la transition énergétique, c’est investir sur le long terme. L’investissement responsable est un thème de prédilection pour la CPEV. On doit aussi assurer des prestations de qualité pour nos rentiers et futurs rentiers. C’est cet équilibre, entre la responsabilité sociale en tant que pourvoyeuse de rentes et investisseur responsable, qui est difficile à trouver. Gérer toute cette complexité est le principal défi. C’est aussi ce qui rend cette mission passionnante.
A quoi ressemblera la CPEV dans 70 ans ?
MMS :
Dans 70 ans, j’espère que la CPEV aura atteint un degré de couverture de 100%, tout en ayant intégré toutes les améliorations possibles, dans l’air du temps.
YF :
Nous avons un chemin, un modèle, une vision pour la CPEV, mais pas de vérité. C’est un exercice de modestie de gérer une caisse de pensions. II faut continuer à verser des rentes qui permettent aux gens de vivre le mieux possible. La Caisse devra en outre avoir atteint une empreinte écologique profitable à la planète. D’une manière plus générale, je pense que dans 70 ans, compte tenu de la démographie, il faudra réinventer le financement de la retraite qui aujourd’hui repose essentiellement sur une taxation sur les salaires.
En tant que membre du CA, de quoi êtes-vous fiers/fières ?
YF :
C’est un travail d’équipe. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut porter individuellement. A mon sens, le Conseil d’administration peut être fier du vrai engagement ESG de la Caisse. En matière environnemental, nous avons fixé des objectifs de protection du climat clairs. D’un point de vue social, nous avons pu maintenir un équilibre entre les générations. Enfin, au sujet de la gouvernance, la CPEV est aujourd’hui plus accessible, transparente et ouverte aux échanges.
Qu’est-ce qui a le plus changé selon vous depuis la création de la CPEV ?
YF :
Pendant longtemps, les obligations gouvernementales étaient un pilier important dans le financement des caisses de pensions. C’était un placement sûr, qui ramenaient des rendements élevés. Il n’y avait pas autant de questions autour du financement et de l’avenir des prestations. Aujourd’hui, lorsque que vous débutez votre carrière, il est difficile de prévoir exactement la rente que vous aurez à la retraite. Ce n’était pas le cas auparavant, c’était plus simple. Plus globalement, gérer une caisse de pensions est devenu plus exigeant. Le nombre de critères à prendre en compte et à respecter a explosé. Nous nous retrouvons dans un environnement beaucoup plus complexe.
MMS :
Il y n’y a en effet pas que le contexte réglementaire qui a évolué, mais aussi le contexte économique, sociétal et moral. Les attentes envers les caisses de pension ont augmenté. Il y a beaucoup d’intérêts, de critères et de facteurs à prendre en considération. Les familles ne ressemblent plus forcément au modèle traditionnel très majoritaire de l’époque. Les carrières ne sont plus les mêmes. Les situations sont plus variées et on observe une tendance à l’individualisation. C’est devenu compliqué d’offrir une solution qui s’adapte à toutes et tous. Le système de financement des caisses de pensions est basé sur le collectif. On ne gère pas son 2e pilier comme on gère le reste de son patrimoine.
Au contraire, qu’est-ce qui n’a pas changé ?
YF : La CPEV a été un acteur économique du canton, l’est et le restera. Le but et les valeurs de la CPEV n’ont pas changé : verser des rentes et offrir des prestations de la plus grande qualité possible.
MMS : Parfaitement. Le contexte évolue, mais le socle reste.
D’après vous, qu’est-ce qui a le plus évolué ces dernières années dans le pilotage d’une caisse de pensions ?
MMS :
C’est sans aucun doute la complexité. Il y a plus d’attentes et de pressions. La confiance, qui est essentielle, est challengée en permanence. Ce qui est stimulant, mais aussi plus exigeant.
YF :
La complexité, mais aussi la responsabilité en tant qu’administrateur d’une caisse de pensions publique. Il y eu une prise de conscience du risque plus élevé pour la gestion de ce type de caisse. Cela nécessite des compétences très variées et spécifiques pour lesquelles il convient de se former régulièrement.